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Cette semaine aux Cinéastes dans le cadre des rendez-vous du cinéma italien vous pourrez voir  dans une version restaurée  le film :

Sedotta e abbandonata

(Séduite et abandonnée)

de Pietro Germi 

1964 – durée 123'

avec Stefania Sandrelli, Saro Urzì, Aldo Puglisi, Lando Buzzanca, Lola Braccini, Leopoldo Trieste, Umberto Spadaro

 
Vendredi 3 Novembre à 20H30
aux Cinéastes
 

A la faveur de la sieste, dans un village de Sicile, Peppino “séduit”Agnese, la sœur de sa fiancée, qui tombe enceinte. Don Vincenzo, son père rompt les fiançailles de Peppino avec Mathilde et veut qu'iI épouse Agnese. Mais Peppino refuse, déclarant qu'elle est trop légère. Don Vincenzo veut le tuer...

« Germi imagine une série de machinations, de meurtres, et de procès qu'i! mène tambour battantjusqu'à un dénouement presque tragique dans sa cocasserie. Une société que Germi dépèce avec la rage d'un équarrisseur.» Pierre Murat – Telerama

« La comédie à l'italienne made in Sicilia s’emballe littéralement sur la scène tragi-comique de ce village sicilien.»  Critikat

Dans ce film, Pietro Germi s'en prend à une autre aberration de la société sicilienne : le mariage réparateur. Si une jeune fille a cédé à un homme, l'agresseur doit laver l'offense en épousant la « victime » : peu importe si celle-ci est consentante et peu importe si la jeune femme ne veut en rien de son ‹ séducteur» comme époux. Par ailleurs, seul le mariage peut blanchir la faute et tout est bon pour y parvenir : séquestrations, enlèvements, tentatives de meurtres, accusations de détournement de mineures, dénonciations d'impuissance, chantages et calomnies en tout genre. Là encore, la démonstration est implacable. Germi a clairement souligné les intentions de son film, il parle de déformer la réalité à la manière de Goya, « comme si on avait assisté à un défilé de monstres » et il ajoute : « séduite et abandonnée est un film sur l'aliénation. Qu'est-ce que l'aliénation? Tout ce qui détourne l'homme de lui-même. Nous voyons un enchevêtrement d'êtres humains qui perdent de vue la valeur essentielle de leur vie, ils sont vraiment aliénés. Dans ce cas, c'est le mythe de l’honneur qui les aliène d'eux- mêmes et des valeurs réelles, c'est à dire, dans ce cas, de la valeur humaine de la jeune fille victime, "séduite et abandonnée”. Ils sont tous aliénés, aliénés de leurs propres sentiments, de l'amour paternel. Ascalone, le père, n'aime rien, lui il aimerait bien sa fille mais il la sacrifie, et son amour est complètement perdu parce qu'il est aliéné, il y a quelque chose d'extérieur à lui-même, quelque chose d'étranger et d'ennemi sans qu'il le sache, qui l'aliène de lui-même.» Jean A. Gili

ENTRETIEN AVEC LANDO BUZZANCA

Quand Pietro Germi prépara le film, il tourna quasiment entièrement les essais des acteurs en faisant jouer Saro Urzì dans toutes les scènes : il tourna pratiquement le film autour de lui, il le filma continuellement avec tous les autres acteurs. Et il me disait : « Je crains que d'une façon ou d'une autre, le séducteur ce sera toi, mais le personnage n'a rien à voir avec ça ». Et il avait raison, je n'avais aucune raison d'être le séducteur. II me disait encore : « Si tu joues le fils de Saro, Saro peut te tabasser et toi tu dois te taire parce que tu es son fils ».

A partir de ces indications, dans mon for intérieur, j'ai créé le personnage d'un garçon dépendant d'un père avec une forte personnalité, un père magnifique, un père qui était charismatique, qui avait un grand ascendant, et par conséquent le garçon se fond et vit parmi les femmes. Il est donc doux, il est tendre, il est bon. Il n'est pas féminin, non, absolument pas, mais il a l'habitude de la grâce, des discours féminins, de la douceur, enfin il a l'habitude de toutes ces choses positives chez les femmes.

Pietro Germi donnait de l'espace aux acteurs, certes, mais il les contrôlait toujours, il espérait que l'acteur soit toujours contrôlé, qu'il se contrôle lui-même, tout du moins dans son cas. Tout Ie monde disait qu'il était irascible, revêche toujours de mauvais poil, mais ce n'est pas vrai. Il travaillait continuellement. II se fâchait si à un moment donné l'inspecteur de production lui disait : « Pietro comment veux—tu la corbeille, blanche ou rouge ? » et là, il l'envoyait au diable.

C'est pour ça qu'on le disait intraitable. Il disait que les figurants qui hurlaient n'étaient pas assez violents -les figurants, c'étaient des siciliens de Raguse, des gens qui n'avaient jamais joué, avec des gueules pas possibles. Voilà ce que Germi avait créé avec Séduite et abandonnée, il avait fait un film de monstres, d'aliénés. Alors, quand on tournait ces scènes, les figurants n’étaient pas assez convaincants et je me souviens qu'en sortant de scène, je me plaçais derrière la caméra et je leur hurlais « Cocus, fils de pute, aaaargh !! » et eux ils devenaient fous ... Puis j'en ai eu assez de ce manège et une fois, après ma scène, je ne suis pas passé derrière la caméra. Et là le cameraman m'a dit: « Viens, viens, donne-moi un coup de main ». Bref, j'étais obligé après chaque scène de passer derrière la caméra et de hurler : « Cocus, ils de pute !! »

Après la projection du film au cinéma Archimède, il y avait les journalistes des infos, les photographes, et je ne pouvais pas rester. Germi sort du cinéma, il me suit dans via Archimède et m'appelle : « Lando, Lando ». Je me tourne -j'ai encore devant les yeux cette scène extraordinaire -« Dis-moi, Lando, le film... ça t'a plu ?». Germi qui demande à un garçon de 24 ans, pratiquement un débutant « as-tu aimé le film ? ».

-  Tu parles, je dis, c 'est un chef-d'œuvre »

-  Mais toi, il me dit, est-ce que tu t'es plu ? Est-ce que tu es content de toi ? »

Germi demandait à moi, à un garçon de 24 ans, un quasi-débutant, si j'étais content de moi, c'était vraiment quelque chose d'émouvant de la part d'un homme comme lui. Voilà, l'humilité : c'était un homme incroyable.

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