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La semaine prochaine, dans le cadre des rendez-vous du cinéma italien, vous pourrez voir

 en avant-première

 le nouveau film de Marco Bellocchio

RAPITO

(L'enlèvement)

 

Vendredi 6 Octobre

20h30 aux Cinéastes 

En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du pape font irruption dans la maison de la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils ont été envoyés pour s'emparer d'Edgardo, le fils de six ans de la famille. Selon le témoignage d'un ancien serviteur, le garçon a été secrètement baptisé lorsqu'il est tombé malade alors qu'il était enfant. La loi pontificale est définitive : il doit recevoir une éducation catholique. Ses parents se battent pour le revoir, soutenus par une opinion publique de plus en opposée au pouvoir de l'Église. Mais le pape n'accepte pas de rendre l'enfant. Au fur et à mesure qu'Edgardo grandit dans la foi catholique, le pouvoir temporel de l'Église diminue et l'unification de l'Italie commence. 

Coécrit avec la scénariste et réalisatrice Susanna Nicchiarelli ainsi que l’écrivain Edoardo Albinati, d’après le récit du journaliste Daniele Scalise, L’enlèvement permet à Marco Bellocchio de signer l’une de ses œuvres les plus fortes. Il y renouvelle l’analyse politique mise en avant dans des longs métrages comme Buongiorno, notte, tout en revisitant le film historique, comme il le fit pour Le Prince de HombourgVincere ou Sangue del mio sangue. Optant pour un récit linéaire, à l’instar du Traître, Bellocchio démarre sa narration en 1858 à Bologne. La ville est sous la tutelle religieuse du Vatican, gouverné par Pie IX (Paolo Pierobon), qui n’a de cesse de renforcer un pouvoir politique chancelant. Appliquant à la lettre le dogme religieux, le Vatican apprend qu’un enfant bolognais, Edgardo Morata, a été baptisé à l’insu de ses parents juifs. Ces derniers (Fausto Russo Alesi et Barbara Ronchi) sont d’honnêtes citoyens de la classe moyenne, qui se voient alors arracher leur progéniture par les autorités catholiques, représentées par le zélé cardinal Antonelli (Filippo Timi). L’enfant est ainsi (ré)éduqué dans un pensionnat au sein du Vatican.

Le fait divers se transforme en affaire publique lorsque les époux Morata déploient tous les moyens pour récupérer leur fils, allant jusqu’à alerter la presse internationale et sensibiliser l’opinion publique, y compris dans la communauté catholique. Inspiré d’un authentique événement historique, L’enlèvement est passionnant dans sa description des ravages occasionnés par l’intégrisme religieux, dans le prolongement du Caravage de Michele Placido. L’horreur de l’endoctrinement est particulièrement saisissante au fur et à mesure que l’enfant se voit effectuer un authentique lavage de cerveau, qui le contraint à renier les croyances inculquées par sa famille. Présenté comme une figure machiavélique et ignoble, oscillant entre l’ogre des contes enfantins et l’image du parrain mafieux, le personnage de Pie IX fait froid dans le dos, et restera dans l’histoire du cinéma comme la plus saisissante incarnation pontificale, après Habemus papam de Nanni Moretti. Mais ce sont les contradictions d’Edgardo (incarné à l’âge adulte par Leonardo Maltese) qui frappent le plus, son revirement religieux, versant également dans le dogmatisme, étant parfois entravé par un sentiment de révolte refoulée qui s’exprime, ses rares instants de lucidité le mettant paradoxalement dans une situation de transe où jaillit sa violence.

 

Limpide sans être académique, touchant sans verser dans le pathos, didactique sans être illustratif, le film de Bellocchio est une pure merveille, qui réussit en outre à synthétiser plusieurs tendances du cinéma italien. Sa tonalité opératique convoque le souvenir du Senso de Visconti, quand la dénonciation de l’arbitraire et du totalitarisme fait songer au Bertolucci du Conformiste ou de 1900. En même temps, des thèmes du film font écho à de précédents opus du réalisateur, de la fratrie perturbée du Saut dans le vide au trouble mental de Henri IV, le roi fou, en passant par les liens de maternité dans La nourrice. Et plusieurs séquences de L’enlèvement ancreront les mémoires, comme l’hallucinant passage sur les obsèques du pape, une foule remontée souhaitant jeter son cercueil dans le Tibre. Indiscutablement, le long métrage restera comme l’un des moments les plus forts du Festival de Cannes 2023, où il a été présenté en compétition officielle.

L equipe du festival tutti al cinema

 

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